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XXème siècle

 

 

Au tout début du siècle, Béthencourt-sur-Mer possède un autre surnom : "le village de la guerre de trente ans". À l'instar de Clochemerle dans le roman éponyme de Gabriel Chevallier, Béthencourt est divisé en deux clans opposés, portant pour leur part des noms exotiques: les "Zoulous" et les "Kroumirs". Les uns, qui souhaitent faire court, expliquent en 1908 que les "Zoulous" sont "les partisans de la municipalité actuelle" (celle de Michel Alfred Bignard), les "Kroumirs" étant "les amis de la précédente" (celle de Louis Adolphe Caron): de fait, le journal "Le Réveil d'Eu et du Tréport" daté du 23 avril 1908 publie le pamphlet d'un "Zoulou" anonyme contre six "Kroumirs" qui avaient écrit au Préfet pour lui recommander de ne pas assister à l'inauguration de l'école des filles le dimanche 12 avril précédent. Les autres, affirmant que la division n'est ni politique ni religieuse, évoquent une origine d'autant plus floue que des individus changent de camp, souterraine au point de se perdre dans la nuit des temps : la perspective historique pourrait même nous proposer une relation avec l'opposition des cultivateurs et des serruriers au XIXe siècle, voire avec celle de ceux qui ont droit de franc-saler et ceux qui payent la gabelle au XVIIIe siècle.

De même, on ne saurait dater son extinction: en 1912 encore, on voit des réunions associatives comme celles de la Société de secours mutuel tourner au pugilat.

En 1919 toujours, on relève à Béthencourt l'existence de deux fanfares avec ainsi, pour la messe de la Sainte-Cécile, l'"Harmonie municipale" ("Kroumir") déployée dans le bas-côté nord de l'église et la "Fanfare des amis réunis" ("Zoulou") dans le bas-côté sud. Aussi, afin que les débordements de musiciens incontrôlés ne viennent pas briser la solennité de la "Fête de la reconnaissance nationale" du 2 novembre 1919, le maire Michel Alfred Bignard choisit-il précautionneusement d'y faire interpréter tous les chants patriotiques par les enfants des écoles.

L'extinction de la zizanie fut de fait une mort fort lente puisque vers 1960 encore, des témoins assurent avoir entendu des concitoyens inamicaux s'apostropher de "fils de Kroumir" et de "fils de Zoulou". La vérité probable, au vu des pamphlets Ã  la fois dérisoires et savoureux qui de part et d'autre ont longtemps alimenté les colonnes de la presse locale, est que le conflit s'est surtout entretenu de querelles de voisinage, allant de mariages désapprouvés à des ramassages indus de gibier lors de chasses en plaine.

Le Conseiller général Gilson, s'adressant publiquement au Préfet Henri Bouffard (bien présent à l'école des filles de Béthencourt pour la cérémonie du 12 avril 1908), a peut-être trouvé le mot juste, en tout cas celui qui souleva une hilarité unanime : "c'est un excès d'harmonie qui l'a engendré".

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Quelques dates au XXème siècle...

 

 

  • 1901 : le dimanche 17 mars, installation de l'abbé Alfred Rançon, venant de la paroisse de Béhen, à Béthencourt (il y restera jusqu'à sa mort en 1942) où, passionné de l'histoire et de l'archive, il entreprend rapidement son "Histoire de Béthencourt-sur-Mer".

 

  • 1902 : déplacement du cimetière de la place de l'église à l'extrémité de l'actuelle rue d'Eu, sur un terrain offert par Monsieur et Madame Roy.

 

  • 1904: le 19 décembre, ouverture de la gare de Béthencourt (voir rubrique "lieux et monuments").

 

  • 1906: grève de la manufacture Gustave Debeaurain.

 

  • 1907 : reconstruction de l'école des filles (voir 1864) qui sera inaugurée le 12 avril 1908 (voir affiche ci-dessus).

 

  • 1910 : dans le prolongement des lois de 1905, les biens de la "fabrique" (terme désignant alors l'église) de Béthencourt-sur-Mer sont remis le 24 mars entre les mains de la commune, dotant la constitution du Bureau de bienfaisance.

 

  • 1914-1918 : 50 soldats nés à Béthencourt-sur-Mer meurent pour la France. Grâce à un travail de recherches nominatives intitulé "Morts pour la France de Béthencourt-sur-Mer" effectué en 2011 par des élèves du Lycée Anguier d'Eu50, nous savons que 15 sont morts dans la Marne, 7 dans l'Aisne, 5 dans la Meuse, 4 en Belgique, 1 en Meurthe-et-Moselle, 1 dans le Tarn-et-Garonne, 1 dans le Finistère, 1 dans le Loiret, 1 dans l'Oise, 1 à Neuilly-sur-Seine. Ils étaient nés entre le 26 mai 1875 et le 17 avril 1898.

 

  • 1916 : cantonnement à Béthencourt-sur-Mer et logement chez l'habitant du régiment canadien de cavalerie Lord Strathcona's Horse et de troupes britanniques qui y démantèlent la ligne de chemin de fer.

 

  • 1918 : suite à l'entrée en guerre des États-Unis (1917), Béthencourt-sur-Mer accueille, entre le 12 mai et le 29 juin, 650 soldats américains dont 350 qui, sous les ordres du Lieutenant-Colonel Hamilton, sont venus rejoindre en renfort sur les batailles de la Somme la 35e Division de notre 137e régiment d'infanterie. 1918 : épidémie de la "grippe espagnole". Les soins apportés aux malades sont soutenus par les officiers médecins de la 8th Machine Gun Company anglaise (elle aussi héroïque sur la Somme) dont 400 hommes stationnent à Béthencourt à partir du 23 juin sous les ordres du Capitaine Evans. En mai, les mesures préfectorales de restrictions alimentaires sont transmises par la mairie aux 10 bouchers et charcutiers et aux 12 épiciers de Béthencourt-sur-Mer : la vente et la consommation de viande sont interdites les mercredi, jeudi et vendredi, le prix du sucre est bloqué, la vente de biscuits est interdite les lundis et mardis.

 

  • 1919 : le conseil municipal de Béthencourt-sur-Mer décide dans sa séance du 20 mars de l'élévation d'un "Monument commémoratif des Morts au champ d'honneur" et lance le 31 mars un appel de souscription aux habitants.

 

  • 1921 : année de grande sécheresse à Béthencourt-sur-Mer.

 

  • 1939-1945 : 11 combattants nés à Béthencourt-sur-Mer meurent pour la France. La mort de l'abbé Rançon en 1942 sort l'Histoire de Béthencourt-sur-Mer du domaine de l'écrit pour la basculer dans le domaine de ceux qui vont la vivre et la raconter à leurs descendants, fixant les moments qui, à compter des angoissantes rumeurs de juillet 1939, font mémoire de la Seconde Guerre mondiale. 14 août 1939: Tocsin. Les habitants se rassemblent sur la place de l'église. Désarroi, pleurs. Le lendemain, les hommes mobilisés partent rejoindre leurs régiments.

 

  • Mai 1940 : exode des Belges qui, fuyant par les routes de France, sont innombrables sur la D925 au niveau de la Maison-Blanche. Des familles belges sont hébergées à Béthencourt tandis que des habitants y abandonnent tout et partent en direction de la Normandie.

  • Juin 1940 : armistice. Début du système des tickets de rationnement, avec ses privations, ses débrouillardises, avec aussi ses solidarités bien éloignées des esprits "Kroumirs" ou "Zoulous". Les Allemands installent leur "Kommandantur" à l'actuel 34 Grande rue, puis réquisitionnent les jeunes de Béthencourt pour les travaux forcés : la route vers Ault est barrée d'un mur derrière lequel des rampes de lancements de V1 orientées vers l'Angleterre sont ainsi installées. Les forteresses volantes anglaises et l'aviation allemande survolent régulièrement Béthencourt : uneforteresse volante est abattue et le village retrouve, cache et nourrit 9 soldats anglais.

 

  • 15 août 1942 : le débarquement de Dieppe entraîne l'instauration du couvre-feu à compter de 19h30, incitant au bricolage de postes à galène Ã©coutés clandestinement.

 

  • 6 juin 1944 : grâce à ces radios clandestines, Béthencourt a connaissance immédiate du débarquement de Basse-Normandie : dans les maisons, l'espoir se traduit par la confection en cachette de drapeaux aux couleurs alliées.

 

  • 19 septembre 1944 : un habitant de Béthencourt revient de la Ville d'Eu avec des cigarettes anglaises : "les alliés sont à 10 kilomètres !". C'est enfin le jour qui offre à raconter avec le sourire une histoire de drapeaux : dans la même heure, les maisons pavoisent mais il semble que les Allemands qui fuyaient reviennent: les drapeaux sont aussitôt décrochés lorsqu'un coup de canon est suivi d'un cri : "Les Canadiens sont là !".... On raccroche les drapeaux. On sort avec tout ce qui reste de victuailles rationnées - pain, vin et fruits - pour faire triomphe aux libérateurs : Béthencourt est libéré par l'Armée canadienne le 19 septembre 1944.

 

 

Politique et administration

 

À la tête de la communauté il y eut longtemps, l'histoire ci-dessus le dit, le seigneur.

Puis les habitants de Béthencourt choisirent des mandataires aux fins de défendre leurs intérêts. Comme dans l'ensemble du nord de la France, ils les désignèrent sous le nom de syndics. La charge de syndic à Béthencourt était détenue en 1787 par Antoine Geoffroy Beauvisage (1735-1790), époux de Marie du Castel, laboureur, père de Laurent Firmin Beauvisage évoqué ci-dessus (voir année 1789).

 

 

L'édit du 25 juin 1787 substitua une assemblée de délégués à l'ancienne réunion des habitants qui délibéraient en commun et dont faisaient partie de droit le seigneur et le curé. C'est le 15 janvier 1790 que l'Assemblée Constituante décréta les communes avec dans chacune d'elle un maire, un procureur syndic, des officiers municipaux et un conseil général nommés par les électeurs.

 

Notice sur les maires 

 

Michel Alfred Bignard, né à Béthencourt-sur-Mer le 29 septembre 1868, maire de 1904 à 1919, fit reconstruire l'école des filles qu'il inaugura le 12 avril 1908.

Les deux vitraux, de part et d'autre du maître-autel de l'église (représentant Sainte Marie et Sainte Thérèse), sont dédiés à sa fille unique, Marie Thérèse Bignard (voir photos), emportée à l'âge de 16 ans par l'épidémie de grippe espagnole de 1918. Son immense chagrin fit qu'il renonça à se représenter aux élections municipales de 1919. Pourtant réélu, il confirma son retrait. Il mourut le 5 mai 1960 à Berteaucourt-les-Dames où il repose.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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